Deauville, 14800 : ce code postal, strictement administratif et géographique, ne reflète pas la réalité sociale de la station balnéaire, puisque derrière les images des estivants ordinaires se révèle un univers chic, dissimulé dans les enclaves réservées de l’hippodrome et dans les hôtels abritant des clubs très privés. Durant l’été 1998, Erwan Fichou, photographe voyageur indépendant, travaille pour le groupe Barrière à Deauville, comme photographe sportif et people (courses hippiques, polo, galas, soirées, festivals…). Sur son temps libre, il réalise un reportage « Deauville et son tourisme rituel ».
Un tourisme rituel
« De simples barrières de bois blanc, d’un mètre de haut environ délimitent
l’espace sacré, celui où le commun ne peut entrer. Mais les heureux élus, loin d’être à l’abri des regards paraissent au contraire en représentation, offrant le spectacle d’une réunion mondaine et d‘un déjeuner, abrités sous de grand dais, largement
ouverts. Tout se passe comme si on était là pour être vu ». *
Cet « espace sacré », le rond de présentation, regarde défiler les trotteurs devant le tourisme aoûtien de Deauville. En masse, il attire la curiosité des
vacanciers, passionnés ou non de courses hippiques ainsi que les acteurs
principaux de cette industrie du pari : les propriétaires, les éleveurs, chevaux de sang pur et gens de sang noble.
Chacun à sa place, les espaces réservés délimitent néanmoins une
étonnante et rare proximité entre deux mondes diamétralement opposés.
Certains dégustent une nouvelle fois la coupe offerte par un grand nom de la joaillerie tandis que, sous les bobs et casquettes on croit pénétrer les pages de ces contes hebdomadaires avidement distribués. « Voici », micro à la main, Pierrette Brès saluant la présence d’une star du petit écran, de son Altesse Aga Khan, du prince Mohammed Almaktoun ou de Lagardère… L’espace est unique, international ; il y a des noms et des gens.
Sur la plage, là encore les destins se croisent, mais sans jamais s’arrêter,
sinon pour le commun, devant les cordes marines tendues à un mètre
au-dessus du sable, solidement arrimées au « Resort » : le terme anglo-saxon se prononçant d’une manière la plus pompeusement british désigne le
monopole d’une société hôtelière sur le tourisme huppé de Deauville.
C’est ainsi qu’entre écrins et crin se dessine un vaste paysage social autour du mythe des planches et des cabines des stars . Chaque été, en août comme en septembre, Deauville refait son cinéma.
*Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Voyage en haute-bourgeoisie, 2005, Presses
universitaires de France. Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot sont chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) au sein de l’Institut de Recherches sur les
Sociétés Contemporaines (IRESCO).
Erwan Fichou
Erwan Fichou – 14800 Deauville
Médiathèque Jean-Francois Sarrasin – Hermanville sur Mer
du 3 octobre au 31 octobre 2020
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vendredi 2 octobre 2020, 18h30