Baignoire gigantesque installée à la périphérie qui, malgré sa démesure, se remarque à peine. Énorme tuyau d’évacuation tout droit sorti d’un film de science-fiction, aussi étrange que les machines qui le construisent et d’où un insecte ou un cyclope peuvent surgir à tout moment.
Le vide de ce bassin aux formes géométriques abstraites surprend. Il manque quelque chose : l’eau souillée où se greffent roseaux, herbes folles et microcosme. J’emprunte les escaliers en béton pour poser pied sur un sol lunaire, immaculé, plage bétonnée, la lumière scintille sur le sol, éclate aux yeux, j’oublie presque le bruit des voitures.
J’explore cet espace vacant à grands pas, j’occupe l’espace visuel en mitraillant sur 360 degrés avec un matériel léger ou encombrant ; je me régale. J’en profite pour viser du ciel au sol, de droite à gauche, de gauche à droite. J’élabore une planche-contact façon puzzle dans ma tête. Puis, je décolle rapidement vers le labo-photo. Après la chimie, premiers essais sur la table lumineuse. J’agence ensuite sur mes genoux ces bouts de tirages découpés avec du scotch de bureau ou industriel, je donne une impression de gigantisme et d’un travail non-fini. Je travaille dans l’urgence et la précipitation comme si je balançais un jeu de cartes, bref je bouscule les images, je provoque un déséquilibre.
Je m’amuse comme un gosse. Le cercle ou l’ovale composent mes images. Espèces de planète avec pour certaines une ligne d’horizon semi-sphérique qui leur donne une présence architecturale monumentale. Je fabrique chaque image l’une après l’autre, certaines « se cassent la gueule » , d’autres perdent un morceau de-ci de-là. Un jeu de construction qui n’a ni queue ni tête.
Depuis l’installation des grilles, les bassins de rétention ne se voient plus, il disparaissent sous les roseaux et l’herbe. Devenus anodins et froids, ils remplissent leur fonction ultime : récupérer l’eau souillée des êtres humains.
Philippe Kuznicki, 14 décembre 22.